dimanche 11 septembre 2011

La Fausse Vacuité du Vide

Petite Histoire Pour le Temps Qui Vient

Selavi venait de traverser les plaines désolées de ce pays sans trop d'espoir désormais d'atteindre son but. En elle ne subsistait quasiment plus rien ormis le désir d'avancer sans plus même savoir vers où, vers quoi, pourquoi. De sa fougue et de son élan initial ne demeurait qu'une fibre ténue presque réduite à un dernier sursaut de survie? une mémoire cellulaire? un simple automatisme? Pourtant lorsqu'elle s'accrochait à ce fil, lorsqu’elle réussissait à l’attraper, il lui semblait que plus il devenait fin, plus il vibrait intensément, plus il était vivant.

Et lorsqu'elle aperçut, sur le sommet de la colline qui se dressait sur sa route, un énième bâtiment dont elle ne ferait pas un énième espoir de but atteint, elle se dirigea vers lui dans le même état d'esprit, dans ce même mouvement automatique du corps, dans ce même lâcher-prise. Ce ne  fût qu'une fois arrivée devant la porte qu'elle se reprit, le temps d'une décision : sonnait-elle?

Son choix ne tarda pas, peu de chose s'offrait à elle ces derniers temps alors pourquoi ne pas explorer cette opportunité? Elle attrapa donc la poignée et fît tinter dans le bâtiment, une cloche annonçant sa présence. En attendant la réponse, elle poursuivit son étude des lieux : une maison entourée d'un long mur de pierres délimitant un jardin dont elle n'apercevait que le toit et la cime des arbres. Qui pouvait bien donc vivre ici, si loin de tout? La réponse vint rapidement, quelqu'un ouvrait la porte et lui proposait d'entrer. Un petit homme âgé aux cheveux blancs et aux yeux vifs se tenait sur le seuil et lui fit cordialement signe de le suivre.


Alors qu'elle marchait le long du chemin menant à la maison, Selavi eût étrangement l'impression de marcher bien plus que ne le laissait supposer la distance qu'elle avait entrevue depuis la porte d'entrée. Depuis qu'elle avait passé ce seuil les aspects et dimensions des espaces qui s'offraient à elle semblaient se déformer au gré de quelque loi capricieuse qui lui échappait mais l'étonnait aussi par son étrange capacité à s'accorder à ses goûts. Son hôte trottinait paisiblement devant elle, semblant tout à fait à son aise face à ces transformations.


Le plus curieux fût le changement qui s'opéra sur la maison elle-même: la petite maison de pierres dont elle avait vu le toit de l'extérieur prenait à présent les dimensions d'un palais des mille et une nuits et se mettait à resplendir de mille feux. Suivant toujours son hôte qui se retournait régulièrement vers elle en lui souriant, elle cherchait à percevoir la moindre de ses réactions mais il restait imperturbablement souriant et à l'aise face à ces métamorphoses spectaculaires. Pour lui tout cela était normal et, semblait-il, habituel. Il poursuivait son petit bonhomme de chemin, mais finit par lui lâcher, toujours aussi paisible  un "nous t'attendions", qui la laissa pantoise. Elle était attendue? Mais par qui? Et puis qui était-il? Ne prendrait-il donc pas le temps des présentations? Ne lui demanderait-il pas ce qu'elle voulait? Ne lui dirait-il pas où elle était et quelle était l'origine de ces déformations spatio-temporelles qui lui brouillaient l'esprit, la plongeant dans un état quasi onirique?

Son hôte continuait d'avancer, ayant l'air de savoir où il allait, mais sans lui donner d'autres informations que ce "nous t'attendions" qu'il avait lâché comme à une amie, une connaissance de longue date qui n'avait pas besoin d'en savoir plus. Il emprunta un long couloir qui parût à Selavi aussi interminable que l'éternité. De chaque coté se trouvaient des portes en enfilade toutes différentes les unes des autres de par leur forme, leur taille, leur ouvrage, les couleurs et les matières. Chaque porte était unique et leur multitude lui fit tourner la tête. Elle se sentait perdue et s'accrochait désespérément à la présence de son guide qui affichait la plus tranquille sérénité, marchant d'un pas sûr, sachant où il était et où il allait.


Il finit par s’arrêter devant une des portes et se retourna vers Selavi: "Voilà ta porte". Selavi attendit pensant qu'il allait lui ouvrir ou lui donner d'avantage d'informations. Mais il se contenta d'un "Toi seule peut l'ouvrir" et il disparut. Selavi demeura ainsi, seule face à la porte qu'elle entreprit d'étudier. Muette d'admiration face à la qualité de l'ouvrage et la profusion de sculptures et d’incrustations précieuses, elle finit par poser sa main sur le panneau et à caresser doucement le relief. Chaque détail semblait avoir demandé des années de travail. En elle-même, Selavi pensa: "C'est ainsi que j'imaginerai les portes du Paradis". Cette pensée lui donna envie d'ouvrir et en même temps une immense appréhension l'envahit : qu'allait-elle trouver derrière cette porte? Prenant son courage à deux mains, sentant que quelque part qu'elle n'avait vécu que pour voir ce qu'il y avait derrière, elle la poussa.

"Mais c'est vide!" s'écria-t-elle. Devant elle ne se dressait rien, qu'un néant, un vide vertigineux dans lequel elle semblait tomber, quand une voix lui répondit :

"Non, puisqu'il y a toi".



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