dimanche 8 avril 2012

La vie n'a pas besoin d'être pensée

-Cette joie, c’est joie, et silence, et vie, toujours ? Ce sont ses qualités de base ? Elle est joie sans contraire… même si une tristesse la traverse ?
-Oui, parce même dans les moment les plus difficiles à vivre, une grippe, un inconfort, un deuil, te sentir aussi profondément bien tout en percevant l’inconfort, les vagues de chagrin ou autre, ça te fait rire intérieurement : c’est incroyable de vivre ça, de sentir que ça ne t’atteint pas plus que ça !...
C’est une légèreté, vraiment. C’est une intensité, une simplicité qui te permet d’avoir cette neutralité. C’est ça la joie. Tu te sens… et c’est neutre. C’est intense, mais c’est neutre. Tu ne peux ni te dire heureuse ni te dire malheureuse. Tu es morte psychologiquement et, en même temps, tu sens ce que tu n’as jamais senti de toute ta vie. Il y a le senti du cœur qui bat, du sang dans les veines, d’une pulsation dans les doigts de pieds… Les perceptions organiques sont affinées des millions de fois et elles sont présentes en permanence, en même temps que les variations énergétiques… Alors tu te sens… vivante. Vivante comme jamais.
Ce qui m’étonne, c’est comment le corps peut se développer seul, s’ouvrir à ces sensations de plus en plus fines, de plus en plus fortes. Avec le temps, une subtilité grandissante se fait jour en lui. C’est extraordinaire, cette capacité de découvrir tout ça. C’est la plus belle chose qui soit. Rien d’extérieur ne le vaut. Comment ne pas en tomber amoureuse ?!...
Mais ce qu’il y a de plus beau quand même, c’est la vision de ce silence intérieur. Et c’est ce qui permet de vivre pleinement toutes ces choses.

-« C’est cette sensation qui devient vision, qui devient action » as-tu dit tout à l’heure… Peux-tu m’expliquer ça ?
-Quand on cherche trop à comprendre comment, pourquoi, reprend Yolande, hésitante, c’est comme si cette chose ne voulait pas. Ça se manifeste par une intensité, une énergie qui grandit, qui envahit tout le corps, et qui fait taire la tête. C’est très fort, très puissant. Il ne reste que le silence… Impossible de penser.
Là je le sens très fort parce que ça monte… un peu comme ça (geste des deux mains qui désigne une montée le long du corps, l’englobant et le dépassant)...
On parlait de quoi déjà ?

-De « cette sensation qui devient vision, qui devient action »…
-Le fait d’être toujours dans la sensation empêche d’être dans la tête. Donc c’est cette sensation qui voit, directement. Le fait que ça ne te lâche pas, que ce soit omniprésent, tout le temps là, ça te fait passer sur un autre plan. Tu es vraiment dans la sensation, toujours, toujours toujours. Et c’est comme je te le disais, j’ai l’impression que quelqu’un touche mon cœur. C’est fou ! Je suis même allée voir un cardiologue au début : c’était quoi cette sensation à cet endroit là ?... Évidemment, il n’y avait rien.
C’est comme si cette sensation – peut-être pas de toucher, mais de présence – te plaçait dans ce qui est… Et non plus dans ce que tu crois ; vraiment dans ce qui est là, maintenant. C’est donc cette sensation qui te donne cette clarté, cette faculté de voir les choses telles qu’elles sont et non telles qu’elles devraient être selon toi.
C’est une sensation, un sentiment de présence, une conviction… infuse, spontanée, qui vient de l’intérieur et est tout le temps là. En état de veille, l’attention est partagée, la sensation est là ; si je vais m’allonger, la sensation prend toute la place, elle s’étend, envahit tout, me dépasse jusqu’à… même, parfois, un point où le corps ne le supporte pas tant c’est incroyablement puissant.
Donc, oui, ça part toujours de là.

-Tu dis de cette sensation qu’elle « devient action » aussi, pas seulement vision…
-Oui, il y a action, puis tu vois et puis l’action se présente à toi ; tu agis depuis cette sensation. Alors que le fait d’être dans ta tête te place forcément dans la réaction, que ce soit par l’action ou par l’immobilité… Quand tu es dans la fluidité, il y a action, sans filtre.

-Donc le seul obstacle, dans la vie, c’est l’idée d’être une personne, c’est de me prendre pour distinct de la chose que se présente…
-Oui, c’est de croire en cette pensée qui nous dit qu’on est quelqu’un, et donc d’être absorbé par ce quelqu’un, par cette idée d’un quelqu‘un, au point de ne pas voir la réalité.

-Or la vie telle que tu la vis te « dicte » ce geste ou cette parole. Donc, sans ce filtre, spontanément, tu vas faire ce geste ou dire cette parole…
-Oui. Tu vois que les choses se font toutes seules, sans besoin de les penser. Sans le mental, tu vois que la vie n’est que fluidité, qu’elle n’est qu’action… Inutile de penser les choses pour qu’elles arrivent.

-La vie n’est que mouvement… et c’est un « moi je » qui souvent coupe le mouvement…
-La vie n’a pas besoin d’être pensée. Point. Juste besoin d’être vue, et le reste se fait tout seul.

-Le simple fait de la voir, de la sentir, dicte le geste…
-Le simple fait de la voir… fait. Tu vois cette fluidité agir. »

Yolande

Extrait de  “Le silence guérit” Editions Almora

Page originale

1 commentaire:

  1. Notre vie on l’oublie parce que c’est du rêve, une envie de mémoire qui surgie d’une grève battue par les vents.
    Alors ; plus rien ne nous empêche de fréquenter ce singulier destin, d’émerger sur la houle
    Qui forme des vagues inconscientes, et qui se laissent glisser de sur le sable d’un rivage qui nous est familier.

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