dimanche 24 avril 2016

Tu es Cela

 
Les maux de tête commencèrent à la fin des années 80, d'abord dans la nuque et seulement une à deux fois par semaine. Après environ une année, ils se transformèrent en constante migraine. Je me réveillais et me couchais ainsi. Plus je la combattais, plus elle empirait. Aucun médicament, naturel ou chimique, n'avait le moindre effet. La seule échappatoire était le sommeil ou une sorte de méditation - bien que j'ai toujours été opposé à toute soi-disant « pratique spirituelle ». Mais cette douleur permanente me permettait de tomber dans un état d'absence chaque matin, juste après le réveil.

Dans cet état, la douleur se réduisait à une vibration lumineuse dans la conscience. Il ne subsistait alors plus personne pour souffrir. La plupart du temps, j'émergeais de cette méditation après quatre ou cinq heures et avec « MOI » revenait la douleur. Du paradis à l'enfer. Ensuite, toutefois, je réussissais à gagner mon atelier et à peindre avec plus ou moins de succès, créant ainsi un semblant de routine dans ma vie.

Quatre ans passèrent ainsi, jusqu'au moment où, un matin, je sortis de ma méditation après seulement deux heures et allumai la télévision pour m'informer une fois encore des cours de la bourse. Je tombai par hasard sur une dramatique diffusée à la BBC, le Mahabharata.

Le Mahabharata est une grande épopée héroïque avec des dieux mythologiques dans laquelle le Seigneur Krishna tente, au cours de nombreuses leçons, de faire comprendre à Arjuna qu'il n'a pas de libre arbitre et que, malgré son attitude totalement pacifiste, il se trouvera engagé dans des combats et des guerres et tuera d'innombrables adversaires.

En fait, je voulais immédiatement changer de chaîne pour passer au cours boursiers, car à cette époque, c'est ainsi que je subvenais à mes besoins tant bien que mal, ma carrière d'artiste ayant été réduite pratiquement à zéro à cause de mes migraines. Mais quelque chose me retint. D'abord sans grand intérêt, mais bientôt de plus en plus intrigué, je suivis le développement de la pièce. Tout le monde finit par périr et Krishna emmena le frère d'Arjuna, Yuddhistra - qui entre temps était devenu un vrai disciple -, au paradis où il vit tous ses ennemis passant joyeusement leur temps. Il demanda ce qu'étaient devenus ses amis, sa famille et Krishna rétorqua qu'ils avaient tous échoué en enfer. « Je veux être avec mes amis ; la joie du paradis, en comparaison, ne signifie plus rien pour moi », répondit Yuddhistra. Donc, il partit pour l'enfer. Là, il vit tous ses amis et sa famille souffrant des mille feux de l'enfer et sombra lui-même dans la plus profonde tristesse. Après quelque temps, Krishna lui demanda s'il pourrait accepter de demeurer ainsi à jamais.

Entre temps, j'étais absorbé de telle manière, totalement identifié à Yuddhistra, que la question s'adressait à moi. Lui - ou moi - répondit : « Oui. Il n'y a aucun désir de changer ou d'éviter la peine ou la souffrance ; si cela doit durer jusqu'à la fin de mes jours, et bien qu'il en soit ainsi".  Entre temps, mes maux de tête avaient tellement empiré qu'au même moment, une explosion de pure lumière envahit ma perception par l'arrière de la tête.

Ce fut un moment d'acceptation absolue ; le temps s'arrêta, Karl et le monde avaient disparu pour faire place à une sorte d'Êtreté dans une lumière éblouissante, un silence vibrant, complet en lui-même, et j'étais « cela ».

Après une « éternité » (trois ou quatre heures au cadran de la montre), Karl et le monde étaient de nouveau présents, mais la migraine avait disparu, ne laissant qu'une acceptation absolue et la connaissance que le temps apparaît en ce que je suis, et que ce que je suis est antérieur au temps. Que tout ce qui est dans le temps, toute sensation, ne peut toucher ce qui est en lui-même absolu, ce qui est la vie même.

Par une suite d'évènements et de circonstances, lesquels, à aucun moment, ne furent voulus, décidés ni influencés par « Karl » - en dépit et non en raison de toute recherche -, l'acceptation absolue, l'amour parfait, la base première de l'existence étaient devenus conscients de leur nature.

Et toute expérience, quelle qu'elle soit, jamais ne fut ni n'est « mon » ou « ton » vécu, mais la vie se vivant elle-même dans tout ce qui est et n'est pas.

Et tu es Cela. C'est ta nature véritable, éternelle, précédant l'émergence du temps et de l'espace et de tout ce qui y apparaît, éternellement non affectée : la conscience pure et absolue se percevant elle-même en elle-même.

Karl Rentz 

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7 commentaires:

  1. Bonjour Christine, enchantée de ce retour du "tout et du rien" !!! Et quelle joie de lire ce message qui ressemble étrangement à l'histoire qui semble se vivre ici... Quelle belle coïncidence... s'il en est... Merci à vous d'être de retour et belle semaine !

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    1. Ha! il faut toujours écouter la petite voix qui impulse à faire les choses! :) merci à toi!

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  2. Bonjour très heureuse de votre retour bonne semaine!

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  3. Bonjour Christine très heureuse de vous lire a bientôt!
    Colette

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  4. Quelle joie de vous retrouver Christine !!

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